Par Jacques Rouyer
L’histoire de l’EPS a t-elle un sens ? Je propose, mais c’est une hypothèse à vérifier, de considérer qu’ il s’agit de l’histoire d’une relative » démocratisation de l’EPS » dans le second degré, démocratisation autant qualitative que quantitative et pour laquelle le mérite de la profession et de ses interventions est encore largement sous-estimé. En ce sens il s’agit bien d’une histoire » politique » et non pédagogique ou encore administrative.
Cette réflexion a commencé fortuitement à partir de la réalisation par notre Centre EPS et Société d’une exposition pour laquelle la confection de 10 panneaux a conduit au choix de 10 dates, de 10 moments jugés importants de cette histoire. Cette réflexion s’est poursuivie sous l’effet stimulant d’une douzaine de débats menés avec des étudiants et dans lesquels il était proposé de chercher à comprendre pourquoi tel évènement s était finalement produit et surtout de quel conflit d’influences opposées il était issu.
Bien sûr, il est difficile d’être juge et partie, mais cette contribution est soumise au débat et peut au moins inciter à rééquilibrer quelques visions de l’histoire passablement déséquilibrées.
Quelles sont alors, pour reprendre l’hypothèse de départ, les 5 conditions, indissociables, de la démocratisation de l’EPS :
1-Des horaires obligatoires suffisants
2-Des contenus d’enseignement satisfaisants porteurs de culture réelle
3-Des enseignants nombreux et qualifiés
4-Des équipements adaptés (inséparables des contenus)
5 -Un sport scolaire développé (prolongement naturel et stimulant de l’EPS et souvent mis en concurrence avec l’EPS)
Ces cinq fils sont donc à suivre à chaque moment de cette histoire !
A cela s’ajoutent les conditions générales d’enseignement (effectifs ; vie scolaire, équipes d’établissements…) et, bien sûr, le fait de se trouver ou non dans le cadre d’une politique scolaire globale de démocratisation
Quelles sont les 2 époques ?
- 1969- 1981 : » L’époque héroïque « – Epoque de Résistance et de Construction identitaire de l’EPS
- 1981-1995 : Epoque de l’intégration à l’EN avec avancées puis déceptions
1ère EPOQUE – 1969-1981
1er préambule :
Pour expliquer le choix de 1969 comme point de départ, date dont C-M Prévost a déjà souligné l’importance, un bref retour historique s’impose :
* Les Racines lointaines : 1936-1945-1958
Les acquis du front Populaire (congés payés ; loisirs ; idées de Léo Lagrange), puis l’élan de la libération (programme du conseil national de la Résistance, plan langevin-wallon)alimentent de nouvelles exigences démocratiques pour l’éducation et la culture.
C’est la conjonction de ce mouvement social et politique progressiste assez fort et la relative popularisation du sport qui permet, chez les enseignants d’EPS notamment, la formation de l’idée » d’éducation sportive » ou de » sport éducatif » liée à l’utopie culturelle et sociale d’un sport humaniste, y compris avec les illusions sur le socialisme. ( idées de Maurice Baquet, de Joffre Dumazedier avec Peuple et Culture)
* Les Racines proches : les années 60 qui sont des années de mûrissement et de maturité sur la base des idées précédentes.
Cc sont en effet des années d’effervescence pédagogique et politique : expérience de Corbeil, mouvement des Républiques des sports, stages de Sète, renouvellement de l’entraînement sportif, stage de sport-co de l’Amicale de l’ENSEP, ceci sur fond d’actions contre la guerre d’Algérie. Les I.O de 1967 vont entériner ce mouvement, plus ou moins bien, mais en posant pour la première fois au plan politique la question du droit d’accès de tous, par le système éducatif, à la culture des APSA..
Ainsi, en décembre 1968,à l’initiative du SNEP de l’époque, se tiennent les premiers Etats Généraux » de l’EP et du Sport Educatif « , titre significatif !
Puis en 1968 : c’est la grande révolte sociale et universitaire qui relance les exigences d’éducation et de culture. L’intégration universitaire y trouve son point de départ, les 5 heures sont réaffirmées. Le syndicalisme enseignant est secoué, le » réformisme » est contesté, mais la droite se réinstalle.
Tout cela conduit en 1969, dans le SNEP (4500 syndiqués sur 7000), à l’élection de justesse d’une nouvelle direction » Unité et Action « . Ce courant constitue une force cohérente au plan pédagogique et politique en rassemblant sur l’exigence d’une éducation sportive humaniste elle-même située dans une perspective de changement social démocratique grâce à un syndicalisme d’action. La profession va s’y retrouver majoritairement de façon croissante. Au même moment l’ex courant majoritaire reste très représentatif et se différencie peu au plan pédagogique (Claude Pineau était secrétaire pédagogique) ; de son coté un courant » radical » au plan pédagogique et politique réunit Brohm, LeBoulch, Personne et recueille 14% des suffrages.
2ème préambule :
Une proposition de Schéma explicatif politico-pédagogique pour 1969-1995 :
Ainsi dans les années 60, commence à se construire, non sans tâtonnement et empirisme, et surtout dans les pratiques les contenus d’un enseignement sportif à finalité éducative, ceci non sans débat permanent avec les défenseurs d’une Education physique de base. Le ciment identitaire qui se forme dans la profession marie ambitions culturelles en APSA et exigences éducatives, démocratiques et scientifiques. Indiquons ici que le rapport EP et Danses s’est posé parallèlement avec une problématique assez semblable mais avec beaucoup moins de violence sociale et intellectuelle.
Le rappel de cette réalité oblige à mettre en cause le schéma explicatif utilisé dans la plupart des histoires de l’EPS : selon ce schéma, en effet, Il n’y aurait eu que l’opposition entre le courant dit » sportif » et le courant dit « pédagogique » !
C’est une grave erreur car on oublie ainsi les politiques gouvernementales et les idées sportives dominantes et on confond plus ou moins volontairement ce » courant » avec les promoteurs d’une Education sportive humaniste. C’est pourquoi, il me semble que l’observation de l’histoire de 69 à 95 permet de distinguer TROIS orientations idéologiques et pratiques pour l’EPS ( ou 3 pôles principaux)
1 – le courant » animation sportive « -techniciste-élitiste
2 – le courant pour un enseignement sportif humaniste ou pour la démocratisation d’une EPS à contenu culturel et social
3 – un courant favorable à une EP de base ou » préalable » ou » formaliste « , n’écartant pas des » applications » à terme ou étant franchement anti-sport
Les 2 derniers courants ont été à la fois opposés entre eux mais heureusement alliés contre le premier. Pourtant regrettons que certains tenants du 3 aime courant fassent de bonne ou de mauvaise foi l’amalgame entre les 2 premiers courants.
Ces 3 courants correspondent d’ailleurs à 3 visions du sport :
1 – pour le sport tel qu’il est avec l’idée que cela se pratique et ne s’enseigne pas ; c’est le sport soumis aux forces dominantes
2 – pour une approche critique et contradictoire du sport avec visée transformatrice et sociale
3 – contre le sport globalement et pour d’autres pratiques corporelles
Bien sur ce schéma simplificateur est soumis aux vérifications suivantes.
Revenons donc au premier arrêt sur image : 1969 !
1ème arrêt sur image – 1969 – Un aboutissement…un point de départ !
Avec le nouveau SNEP, avec le Secrétaire d’Etat Comiti, gaulliste de choc, deux camps cohérents sont face à face.
En 1969 : Ou en est la démocratisation ?
– 3 millions d’élèves (dont 600000 en second cycle long) avec 4 h lycée, 1 h ½ collège pour 16000 enseignants dont 8000 profs et un sport scolaire de 400000 licenciés.
La pression post-1968 oblige à réaffirmer les 5 h ( » nous n’en démordrons pas » proclame le 1er ministre Chaban-Delmas …mais il faudrait le double d’enseignants !) Ainsi 1100 postes seront offerts au Capeps 69.
Le conflit Comiti/Snep sur la démocratisation va porter à la fois sur les horaires, le contenu, les enseignants et bientôt le sport scolaire. A partir d’un budget en régression ( 0,65% du budget de l’état), Comiti décide comme priorité 3 h collège, 2 h lycée et lance une vaste opération de transferts de postes. En même temps les projets d’animateurs à l’école et de Carrefours Sportifs, structures mixtes extrascolaires, ont avancées ; les Enseps sont liquidées, l’animation de l’AS est proposée en vacations pour récupérer des heures …la totale !
Le 10 Mars 70, la 1ère grève réussie de la profession exige tous les moyens d’une démocratisation de l’EPS à l’EN. C’est le premier moment fort d’une bataille qui va durer dix ans ! C’est la première tentative d’instituer un enseignement sportif extra-scolaire et d’unifier la formation des cadres sous la tutelle du MJS. Le courant dominant est bien présent !
2ème arrêt sur image – Mai 1970 : Les Assises Nationales de l’EPS et du Sport ; Pourquoi sont elles remarquables ?
Elles constituent la 1 ère concrétisation exemplaire d’une vaste alliance pour la démocratisation de l’EPS, mais aussi pour la démocratisation des Activités sportives et de pleine nature : 300 assises locales, 40 organisations, 700 délégués ( parents, OMS, FSGT, mouvement laïque et d’éducation populaire…) .Le Snep en a été une des cheville ouvrière et ses principales revendications seront reprises par les Assises, notamment l’intégration à l’EN et le recrutement de professeurs, le refus d’animateurs à l’école. Un rapport de forces nouveau est créé. Il pèsera aussi pour les Capeps 1971 et 1972 :1030 puis 1050 postes !
Le Comité pour le » doublement » du budget J-S né des Assises va être à l’origine dans les années suivantes de plusieurs manifestations. Une 3ème loi programme d’équipement sera votée en 71.
Soulignons que cette alliance, contestée par ailleurs (le » 3ème courant » notamment) intégrait les exigences de démocratisation d’une EPS à contenu sportif.
3ème arrêt sur image – 1972 :L’année des Centres d’animation sportives : les CAS !
C’est d’abord une réponse politique et pédagogique à la question d’une certaine démocratisation. On invente une structure administrative extrascolaire pour permettre l’emploi d’animateurs sous le contrôle des professeurs. On théorise l’animation sportive au nom de l’optionnel et du modernisme, ce qui séduit certains enseignants et le syndicat des maîtres d’EPS, c’est une version très élaborée du courant dominant à laquelle va s’opposer durement le courant » culturel « . Le Snep appelle les collègues à relever le défi de la rénovation de l’EPS en construisant des contenus culturels et éducatifs notamment par une FPC dynamique pour mieux dépasser l’animation comme le formalisme. Il organise le boycott des CAS et en 3 ans cette politique de déscolarisation poursuivi par Mazeaud sera mise en échec par une profession unie sur l’essentiel mais pas toujours suivie par des collègues du secteur sportif.
Dans le même temps le recrutement des profs baisse et celui des maîtres augmente !On crée aussi les PEGC à valence EPS. Enfin, les transferts se poursuivent non sans résistance obstinée. La moyenne du Second degré dépasse à peine les 2h
En 73-74 c’est aussi le sport scolaire qui est attaqué, ce qui provoquera 2 fortes grèves contre le projet de faire l’animation en HS, projet qui sera abandonné pour l’essentiel car le libre choix sera laissé aux enseignants qui seront convaincus à 90% de garder le forfait AS.
En 1974 il y a 900000 licenciés à l’ASSU
4ème arrêt sur image – 1975, une loi d’abandon de l’EPS
Début 74,malgré ou à cause d’un budget très contesté, le secrétaire d ‘Etat JS entreprend la rédaction d’une loi pour l’EP et le Sport.
l’article 3 de cette loi est un paquet-cadeau :
– on parle d’initiation sportive et non d’EPS
– on confie celle-ci aux établissements, aux AS, aux CAS, à des éducateurs sportifs et – le comble – aux clubs sportifs habilités ! Mazeaud intervenant dans le débat pédagogique, parlera même d’EP de base à l’école pour mieux renvoyer le » reste » en dehors, belle perversité ! Il a en plus la mauvaise idée de faire un Tour de France » d’explications « , résultat :une trentaine de manifestations profs-étudiants auront lieu pour exiger des postes. Le Snep diffusera une plaquette » EPS, Luxe ou Nécessité » à 120 000 exemplaires pour argumenter contre la déscolarisation de l’EPS.
Cette loi » d’antidémocratisation » sera votée dans l’hostilité générale y compris à droite et elle sera en fait inappliquée. Elle survivra pourtant jusqu’en 1984..
Cette même année 1975 le SEJS crée le professorat adjoint, corps mixte école-extrascolaire dans le but évident de concurrencer le professorat ( en 76, 497 postes au Capeps, 430 pour le professorat-adjoint). Le DEUG-STAPS est quand même créé la même année.
En 1976, le congrès du Snep à Bourges permet un flash significatif sur l’état de la démocratisation de l’EPS avec le vote du mot d’ordre : » Pas de classes à moins de 2 h ! « .Avec la création accélérée de collèges liée à la réforme Haby, il y avait en effet des classes à 1 h d’EPS. Par ailleurs, il reste environ 300 CAS.
5ème arrêt sur image – 1978 : Une démocratisation sur le dos des Enseignants ? Au prix d’une Révolte Professionnelle ?
Changement de politique cette fois. La page des CAS est tournée et le ministre Soisson va essayer de faire face aux besoins et à la pression de l’opinion mais à partir d’un budget d’austérité renforcé. 38% des classes ont encore moins de 2h !
Le plan de Relance annoncé le 31 Août consiste à récupérer des heures d’enseignement par tous les moyens :
réduction du forfait AS de 3 à 2 h
imposition de deux supplémentaires
récupération de 600 postes des services universitaires, et des centre d’EP spécialisés
reprise des transferts
le projet de budget 79 prévoit zéro postes de professeurs et 460 de PA (pour la 1 ère fois, le rapport des recrutements 79 sera inversé : 400 profs / 485 PA)
La réaction » identitaire » de la profession à l’initiative du Snep sera forte et immédiate : grève le 21 septembre, puis Manifestation nationale le 13 octobre (la moitié de la profession, les 2/3 des étudiants et le droit de s’expliquer en 1ère page du Monde) Il y aura ensuite 4 grèves » reconductibles » par semaine et recherche d’alliance ; cependant, faute d’élargissement, le mouvement s’affaiblira et le Snep en sortira secoué. Mais Soisson en sortira aussi très impopulaire
Après des négociations chapeautées par la FEN avec un Sneeps flottant, un SNI réclamant des PEGC, le plan sera partiellement appliqué malgré une résistance aux heures supplémentaires et aux transferts et avec le maintien militant du sport scolaire et la création de 300 postes de profs. Il y aura aussi un effet différé du mouvement sur les recrutements 1980 (480 profs / 500 PA).
Le SNEP aura acquis cependant un important capital d’influence qui va peser en faveur de la démocratisation de l’EPS dans la préparation d’une éventuelle alternative politique.
Les années 79 et 80 seront marquées par des actions multiples pour sauvegarder le sport scolaire malgré quelques tentations de boycott.
Pour conclure , cette 1ère EPOQUE 1969-81 aura vu le problème de la démocratisation se poser pour une population scolaire des collèges qui a augmenté de 30%(600 000), les enseignants passant de16 000 à 22 000, ceci avec une mise en échec d’une tentative sérieuse de déscolarisation de l’EPS et d’affaiblissement du sport scolaire et paradoxalement une forte mise en avant des besoins de démocratisation de l’EPS.
Dans le même temps, la construction de notre enseignement s’est poursuivi, notamment avec une FPC militante et avec l’animation par le syndicat d’un débat national pour l’actualisation des I-O en 1980.
1981/1995 Avancées et déceptions
6ème arrêt sur image – 1981. Démocratisation : des pas importants !
La victoire politique de la Gauche avec l’élection de Mittérand était une condition nécessaire, mais elle n’aurait pas été suffisante sans le capital d’influence amassé les années précédentes par les actions pour l’EPS, et sans le lobbing systématique et vigilant effectué auprès des partis de gauche et même entre les 2 tours, auprès du candidat à la Présidence lui-même.
Un programme complet avait été élaboré par le Snep dès 1977.
C’est ce que symbolise la remise, dans la bonne humeur, du poster du 13 octobre au ministre Savary le 11 juin 81.
Ainsi a été acquis :
- l’intégration à l’EN et la création d’un Service spécifique de l’EPS voulu par le Snep, (ni le maintien au MJS réclamé du coté sportif ni une intégration dilution-banalisation)
- la création de 3000 postes en 2 ans et l’arrêt des transferts
- le rétablissement ;non sans difficultés du forfait de 3 h
- la mise en chantier d’une nouvelle loi pour remplacer la loi Mazeaud
- l’arrêt du recrutement des PA, la création d’une l’agrégation
- la relance des formations universitaires et une section EPS à l’INRP.
En octobre 81 un colloque avec 400 participants aura pour thème significatif » EP et réussite de tous « . Il appellera à une relance pédagogique et didactique ainsi qu’à un plan de développement et de transformation de l’EPS.
1982 – un député socialiste présente un rapport à l’Assemblée Nationale prévoyant la créations de 1500 postes par an. Il y a 1200 postes au Capeps 82 !
1982 – le rapport Legrand sur la démocratisation des collèges retient les 5 h d’EPS !
Enfin la loi » Avice « qui ne paraîtra que le 16/7/84 contient, à notre initiative, le remarquable article 2 suivant » L’EPS et le sport scolaire contribuent à la rénovation du système éducatif, à la lutte contre l’échec scolaire et à la réduction des inégalités sociales et culturelles » ! Cet article est d’ailleurs toujours présent dans la loi Buffet du 6/7/2000.
7ème arrêt sur image – 83/84 : Politique de rigueur et » Nouvelle Bataille de l’EPS «
Dés les budgets 83, puis 84,les choses se gâtent. Ils vont conduire aux Capeps les plus mauvais de l’histoire : 280 postes en 83, 170 en 84 ( !), 240 en 85. Il manque pourtant 1500 postes pour les 3h-2h.
La profession est plutôt déconcertée. Avec le souci de faire savoir » qu’on ne veut pas casser la baraque « , le Snep lance le 27/1/83 une grève » POUR « ,
1 ère grève d’ailleurs du secteur enseignant. Il y en aura plusieurs autres en 84 et 85, spécifiques ou unitaires, avec campagne d’affiches et lettre aux parents. La loi Avice de 84 restera pour l’EPS la mauvaise conscience de cette politique !
Enfin, la fameuse DHG (Dotation horaire globale des Etablissements) va commencer à sévir au détriment de l’EPS, c’est un nouvel obstacle à la démocratisation de l’EPS !
La régression n’est pas seulement budgétaire, elle est aussi conceptuelle et pédagogique puisqu’avec la circulaire Calmat-Chevênement on voit revenir » l’animation sportive » pendant logique du retour à la distinction matières principales/matières secondaires, ce que dénonce vertement notre Lettre ouverte au Ministre Chevènement. C’est pourtant ce même ministre qui proclamera que 80% d’une classe d’âge doit parvenir au bac ,ce que reprendra la loi d’orientation de 89. La vague lycéenne va déferler de 85 à 95 (+25%) Pas étonnant si la DLC sonde le Snep sur l’éventualité de l’EPS facultative pour le second cycle et si l’on commence à douter du sport scolaire.
Malgré ces difficultés le Snep contribue au travail pédagogique : un livre sur l’évaluation est diffusé à 12 000 exemplaires, signe d’une question sensible par rapport à la démocratisation ; un colloque est tenu pour la relance du sport scolaire .Cependant, avec la Commission dite Verticale et la préparation des IO de 85, un certain formalisme alimenté par l’institution se manifeste à nouveau ; cela se conclura par un texte de compromis.
En octobre 85 se tient un colloque de 500 participants sur le thème significatif » promotion de l’EPS et Didactique des APS « .Le livre sera diffusé en 86 à 5000 exemplaires.
8ème arrêt sur image 1989 : L’EPS dans l’enjeu du second degré
Anniversaire de 1789 : le Snep affiche une Déclaration du Droit à l’EPS !
Mais pour le gouvernement Rocard, face à la crise de recrutement d’enseignants, la démocratisation coûte trop cher. Aussi, en connivence avec la FEN, pour motif complémentaire de recomposition syndicale, un projet de nivellement par le bas de la formation et du statut des enseignants du Second Degré est mis au point : des bivalents-bac+3 pour les collèges, les certifiés pour les lycées, les agrégés dans le supérieur.
La réaction solidaire du Snes et du Snep sera plus qu’énergique : plusieurs grèves, une grande manifestation nationale le 4 mars du style du 13 octobre pour l’EPS… Le ministre Jospin devra, malgré le dépit de son conseiller Allègre, revoir sa copie et mettre 17 milliards sur la table. Non seulement les catégories existantes seront confirmées mais il y aura revalorisation et augmentation des recrutements. Ainsi pour l’EPS le Capeps passera de 355 à 533 puis à 844 en 90 ; les Capeps internes et les Agrégations progresseront.
La politique 88-89, c’est aussi la circulaire Jospin-Bambuck ( EN-JS) qui, après les Contrats Bleus, illustrera pour le 1er degré une nouvelle version de la ligne « animation sportive extra-scolaire » au nom bien sûr des rythmes de vie de l’enfant ! Michel Rocard semblera même ignorer l’intégration de l’EPS en missionnant publiquement Bambuck pour rééquilibrer la formation physique à l’école !
9 ème arrêt sur image – 1994 : Les 4 h/ sixième : une pochette-surprise ?
C’est en effet le dernier progrès en date en matière de démocratisation.
La conjonction de plusieurs données de nature très différentes » expliquent » l’évènement apparemment surprenant :
- Le rapport de force global issu de l’immense manifestation laïque du 16 janvier 94,suivie d’une négociation globale sur l’école
- La volonté politique de Bayrou, dans sa perspective » centriste « de se concilier les syndicats du second degré.
- La conscience d’une réelle crise des collèges et la recherche de tout moyen pédagogique d’intégration, ceci renforcé par l’argument du retard du 1er degré en EPS.
- Une campagne d’opinion marquante du Snep et sa présence pendant les 5 mois de négociations, ceci après son succès aux » professionnelles ( 15000 voix,72% sur la totalité des enseignants d’EPS pour la première fois)
- Enfin la solidarité du Snes pourtant dans un contexte de redéploiement global et l’appui de la nouvelle FSU.
Tels sont les facteurs qui ont pesé de manière variable pour la décision de juin 94 en faveur des 4 heures en 6ème . Mais malgré leur mérite évident, il y eut ensuite tentatives de remise en cause et nulle volonté de poursuivre en 5ème. Nous en sommes là!
En 1995, après une forte manifestation d’étudiants le Capeps qui était redescendu à 716 remonte à 820 postes. Il y eut aussi la création positive d’une option EPS en lycée .
10ème et dernier Arrêt -1995 : Une Salutaire Rébellion Pédagogique !
Juillet 95 : Après une vaste campagne de plusieurs mois d’explications et de consultations, le Snep obtient le retrait par le ministre, du projet de programme 6ème présenté par le GTD et l’IG.
L’événement provoque quelque émotion.
Soulignons que c’est d’abord la représentativité du SNEP qui a conduit le ministre à cette attitude somme toute assez démocratique et peut être un certain réalisme.
Mais l’enjeu du débat programme a-t-il été bien perçu comme étant un enjeu de politique de démocratisation de l’EPS au sens où des programmes doivent garantir à la société et pour tous les jeunes, l’appropriation critique mais effective d’une culture comme meilleur moyen de développement personnel ? C’était en tout cas le sens profond de l’intervention du Snep qui a imposé une nouvelle négociation afin de parvenir, un an plus tard, à un compromis plus acceptable pour empêcher le retour en force d’un formalisme scolaire qui permettait une gestion commode des inégalités culturelles (Cf. le n° 5 de notre revue » Contre pied « ). Cette intervention, fut dans la logique des positions prises depuis 1969 et elle a reflété la défense d’une forte identité professionnelle. Elle s’est heurtée dans d’autres formes aussi à la tradition d’une EP abstraite qui ne saurait revendiquer le monopole du point de vue scientifique. Le débat continue, doit continuer, pour la mise à jour décisive des documents d’accompagnement, pour les programmes lycées, pour l’évaluation, en souhaitant une cohérence dans le bon sens
1981-1995 : au total un goût d’inachevé ! une EPS reconnu mais corsetée dans un système éducatif qui doit se transformer sérieusement.
CONCLUSION GÉNÉRALE
1969-1995 : une Démocratisation très relative.
Reprenons, dans le désordre les 5 conditions de la démocratisation en repérant points de départ et points d’arrivée et peut-être le sens de la trajectoire
-* Les Équipements
Un problème toujours sous estimé en quantité et en qualité. Des lois- programmes des années 60, à la fuite de responsabilité, conséquence commode de la décentralisation de 82 un peu compensée par la circulaire de 92, le bilan plutôt médiocre relativise sérieusement le débat » culturel » Il y a peut être une nouvelle prise de conscience pour promouvoir l’idée que les équipements en APSA doivent être partie intégrante d’une véritable écologie de la vie culturelle scolaire !
-* Le sport scolaire
Il a été mis en concurrence avec l’EPS et aussi mis en cause pour lui-même. A-t-il été bien conçu comme la pointe avancée de la démocratisation culturelle ? le défi est devant nous !
-* Les enseignants
De 15 000 à 33 000 ( et de 8 000 profs à 26 000 profs et agrégés), un réel progrès quantitatif et qualitatif, et un vaste potentiel, avec les 45000 étudiants en STAPS
-* Les horaires
De 4h à 2h pour les lycées et de 1h ½ à 3h pour les collèges (plus les 4 h 6em), ceci avec deux vagues démographiques successives en collège puis en lycée. Au total :de 3 millions à 5,7 millions sous le double effet de la croissance démographique et de la prolongation de l’obligation scolaire. Les 2 h lycées restent à la limite du crédible !
-* Les contenus :
Si l’on se souvient du schéma de départ sur les 3 courants, on peut résumer de façon un peu provocatrice l’enjeu qualitatif en soutenant qu’on pouvait très bien massifier l’animation mais qu’on peut aussi » démocratiser » le formalisme ou une sorte de grammaire transversale » physique « . On peut même souligner que ces deux courants sont complémentaires, une pratique du 1er peut cohabiter avec le discours du second. En bref, moins les contenus d’un enseignement fondamental des APSA sont connus et maîtrisés et plus il y a risque de cette double dérive dont la caricature existe parfois dans le 1er degré. Depuis les années 60, la construction disciplinaire s’est globalement poursuivie, d’abord contre » l’animation » et non sans débats sur la » didactique « , jugée parfois trop générale ou trop technocratique. Puis dans les années 80-90, il y eut une pression forte pour une normalisation scolaire, comme prix d’une soi-disant reconnaissance disciplinaire. Aujourd’hui, l’essoufflement de l’école, le manque d’alternative politique dynamisante peuvent-ils remettre en cause l’utopie généreuse d’une école égalitaire et alimenter une certaine crise du métier ? La profession doit donc à la fois résister et innover. Elle en les capacités.