Cette dernière chronique du cycle des 10 chroniques prévues va présenter quelques particularités pour deux raisons :
1- Elle a déjà été écrite dans une version courte dans le cadre de l’article paru dans le numéro 299 de la revue EPS.
2- Il en existe une version longue et très complète dans le n°5 de la revue Contre Pied (encore disponible. « La chance d’une crise » complétée par l’ensemble des autres articles ainsi que dans le bulletin spécial Histoire SNEP/Centre EPS et Société).
Les faits
le 10 juillet 1995, pendant la séance du conseil supérieur de l’Education Nationale, le ministre François Bayrou retire, suite à une demande du SNEP, le projet de programme EPS pour les classes de sixième, présenté par les présidents de l’IG et du GTD. Une nouvelle négociation va alors être ouverte pour aboutir en 1996 à des textes plus acceptables, assortis de documents d’accompagnements qui seront appréciés.
Pourquoi et comment en était-on arrivé là et pour quel enjeu ?
Pendant les années 80 et début 90, la noosphère » EPS » est agitée par le débat classique entre approche » culturelle » et approche généraliste et animée d’une volonté de compromis, mais elle subit une forte pression institutionnelle pour que des programmes soient produits, gage d’une » reconnaissance » complète pour la discipline.
Février 1993, un texte Pineau-Hébrard lance l’opération louable dans son principe » d’écriture concertée des programmes « , le texte se référant cependant à la classification, inspirée de Parlebas, des 5 domaines. Au lieu d’un compromis, c’est une alliance opportuniste de fait Pineau-Parlebas sur les principes de ce dernier.
Mars 93, le décret sur l’évaluation au bac impose ces notions. C’est le 1er coup de force qui compromet la consultation promise, Pineau utilisant le texte du bac comme argument d’autorité pour l’imposer dans les programmes (ce que Gilles Klein semble oublier). Ce forcing sera poursuivi avec le Schéma directeur publié en mai 94. Une nouvelle chance s’ouvre cependant pour une nouvelle discussion avec la consultation obtenue en octobre 94 mais IG et GTD persistent dans leur surdité. Le SNEP décide alors en janvier 95 une riposte publique nationale et appelle à dire non à ce qu’il considère comme une mise en cause de l’identité professionnelle. Malgré tout, en mars 95, le projet de programme de l’IG et du GTD maintient les conceptions contestées alors que le CNP appuie nos propositions plus proches de l’esprit de la charte des programmes. Un nouveau bulletin spécial est publié, de très nombreuses réunions sont tenues avec les collègues, le congrès de Montargis va confirmer l’orientation pédagogique défendue. Cependant début juillet 95, alors que les institutionnels s’obstinent, le ministre sera sensible à notre argument » vous ne trouvez pas que cela fait désordre si le syndicat qui a la confiance de 80% la profession vote contre des programmes que cette profession sera tenue d’appliquer ? ». Mais, cette attitude, somme toute démocratique, du ministre n’empêchera pas certains (Parlebas notamment) de parler de coup de force du SNEP, de tractation de couloirs et de fustiger » l’acharnement didactique « , le dépit probablement.
Une négociation qui va durer six mois est alors ouverte. Les échanges avec les représentants de l’IG, du GTD, de la DLC et aussi du CNP sont fructueux et sérieux. En parallèle et en cohérence un nouveau texte sur l’évaluation, qui ne fait pas référence aux » domaines « , est élaboré fin 95. Pour sa part le syndicat organise une large consultation de très nombreux militants pédagogiques et rédige entre septembre 95 et mars 96 un texte de principes, préparatoire à la rédaction du programme. La revue EPS de décembre 1995 publie notre point de vue sur les enjeux politiques et pédagogiques. Les 30 et 31 mars 1996, le SNEP réunit en colloque 500 collègues sur le thème » ce qui s’apprends en EPS » et y trouve de fortes confirmations à ses orientations. La création du centre » EPS & Société » est annoncé à cette occasion.
Un nouveau texte plus positif est soumis au Conseil Supérieur du 18 avril 1996 ; le SNEP s’abstient compte tenu de l’absence des documents d’accompagnement qui auraient dû être en fait un élément clef du programme lui-même, puisqu’ils devaient énoncer les niveaux précis de compétence à atteindre dans chaque activité physique particulière (à l’inverse, la notion maintenue de compétence de groupes nous a semblé contestable) ; le texte sera quand même approuvé mais avec beaucoup d’abstentions de natures différentes. Les documents d’accompagnement ne sortiront qu’en septembre 1997, ils seront appréciés mais aucun dispositif d’actualisation de ces documents n’a, hélas, été mis en place. De contenus voisins, les programmes 5e/4e seront publiés, puis 3e, lequel sera assorti de ce principe intéressant » l’évaluation porte sur les compétences spécifiques véritables attachées à une activité particulière « , ce qui est une façon de souligner que le « général », le fondamental sont présent et intégrés et s’apprennent dans le » particulier » et que tout cela se concrétise dans une performance scolaire pertinente. Rappelons les raisons de fond de l’intervention du SNEP : elles sont inséparablement pédagogiques et politiques et dans le droit fil des orientations du courant Unité et Action élaborées dans les années 60 avec sans doute un langage différent. Elles se fondent sur une visée humaniste et progressiste qui affirme que le développement maximum du sujet passe par une appropriation critique des produits les plus élaborés de la culture humaine, culture physique incluse. Les programmes doivent être le moyen de garantir cette démonstration culturelle effective.
C’est cette option « culturaliste » qui permet de répondre au mieux à l’exigence politique du droit démocratique d’accès de tous à la culture universelle. Ce courant a dû mener une lutte sur deux fronts : contre la dérive vers l’animation sportive et contre les conceptions généralistes dont la dernière version repose sur une classification abstraite, informationnelle des conduites motrices. Tout ceci, justement, pour mieux combattre les inégalités sociales et l’échec scolaire en EPS, d’où l’importance, enfin, de poursuivre la construction d’un enseignement » fondamental » des APSA. Le débat a continué à propos des lycées. Aujourd’hui, la proposition pour les collèges semble constituer un sérieux retour en arrière. Alors 2004, bis repetita ?